PATRICE a tendance a nous surnommer ( lorsqu’ il est de mauvais poil …) les champions du monde du dimanche et il est vrai qu’ il nous est arrivé de nous prendre pour ce que nous ne serons jamais : des purs coursiers .Nos déboulés sont certes admirables mais en général ils ont comme théâtre nos routes légèrement vallonnés et nos petits cols jurassiens reconnaissables entre mille par leur longueur raisonnable et leur sommet qui même en se hissant sur ses talons n’arrivent que rarement à dépasser les 1500 mètres d’altitude …
Depuis quelques années et comme pour démentir notre ami « le grand » les petites sorties musclées ou chacun bandaient les muscles a la moindre aspérité ont cédé la place a de plus longues chevauchées et beaucoup d’entre nous ont franchi le pas pour se mesurer à l’élite du cyclo sport français en disputant de nombreuses cyclo sportives dépassant allègrement les 100 kilomètres !
D’ un encéphalogramme plat à nos balbutiements , la courbe de nos dénivelés n’a cessé de grimper à des niveaux bien plus élevés nous faisant franchir paliers par paliers les étapes qui mènent à la légitimité de notre sport en même temps qu’ il transformait nos métabolismes et rendait nos corps ( pourquoi s’en cacher ? ) plus harmonieux …( pour la petite bedaine y a rien à faire ! )
Il restait un dernier verrou à faire sauter : disputer une épreuve hors norme pour figurer au ( petit ) panthéon du cyclo sport et réaliser nos rêve d’ado lorsque nous mimions les coureurs pros juchés sur nos vélos 3 vitesses en acier empruntés aux grand frère ou au voisin de palier .
Comme de grands gamins immatures, au sortir d’une ARDECHOISE 2014 ou nous avions tous avalés les 176 km et 3200 m de dénivelé avec une ( relative ) facilité , nous avions relevé le défi lancé à la cantonade par OLIVIER de disputer ni plus ni moins que LA MARMOTTE , LA reine des cyclos montagnardes , ses 180 kms et surtout ses 5100 mètres de dénivelé positif .
Après tout ,qu’ est-ce que 1900 mètres de montée en plus à faire dans un stade naturel aussi grandiose que la MAURIENNE et l’ OISANS ? Comment ne pas se sublimer en imaginant cette fin en apothéose : un final à l’ ALPE D’ HUEZ berceau de tant de luttes acharnés et mythe parmi les mythes ?
Au moment d’appuyer sur le bouton rouge des inscriptions et ainsi rejoindre 7500 « privilégiés » personne parmi les 7 volontaires de notre groupe ne semblait imaginer l’ampleur de la tache mais chacun savaient que l’hiver serait « studieux » et qu’il faudrait mettre les bouchées doubles à l’entrainement pour espérer tenir son rang au mois de juillet !
Entre temps l’ARDECHOISE 2015 disputé 15 jours avant la MARMOTTE avait accouché d’une certitude : nous étions tous « prêts » !
Tous sauf FAB CHRONO quelque peu démobilisé et qui se connaissant parfaitement jeta l’éponge a cours de forme ( ah les soirées bières au concert d’ ACDC !!! )
Le jour J et après une nuit presque blanche pour beaucoup d’entre nous causée autant par le stress que l’ envie d’en découdre , un détail qui allait revêtir une importance capitale plus tard nous interpella tous : la « moiteur »de l’atmosphère ! Bien que logés à l’alpe a 1850 mètres d’altitude ,aucuns d’entre nous ne jugera opportun d’emporter un coupe-vent ou des manchettes , la température frisant à 7h00 du mat les 25 degrés !
Notre MARMOTTE allait se dérouler dans des conditions « extrêmes » et ce n’était pas forcément une bonne nouvelle …
Galvanisés par l’ambiance et fidèles à leur réputation , FAB CYCLOPE et OLIVE démarrent en trombe , SUPER MARIO leur emboîte le pas sachant pertinemment que ces deux la habitués aux départs canon garantissent un rythme élevé permettant de progresser à vive allure ! SERGIO et LE CHINOIS préfèrent temporiser et FRED le moins entrainé de tous , logiquement et sagement adopte un tempo économique .
Le GLANDON s’annonce très rapidement et avec lui les premières images impérissables , la cohorte de cyclos serpentant sur ses lacets et baignant dans un halo orangé , prémice du soleil levant …Ce col est placé judicieusement au départ , certes sa longueur ( 25 km ! ) promet de belles heures de grimpette mais ses pentes relativement douces permettent de se mettre progressivement dans le bain , de tester ses rapports , de faire monter notre muscle cardiaque progressivement , bref de ne pas trop « taper » dans nos réserves …
Un premier incident de course mineur va scinder notre groupe , le CYCLOPE victime d’un saut de chaîne , se voit obligé de mettre pied à terre , comme quoi la transmission électronique peut aussi avoir des petits ratés et peut se dérégler en cas de petits chocs ou autres transports en voiture pouvant faire bouger les dérailleurs , bon à savoir ! Cela n’empêchera personne d’atteindre sereinement le sommet du GLANDON ,le premier ravito ( bonjour la cohue pour remplir les bidons ! ) et de se jeter dans la descente de celui-ci .
Comme indiqué sur le road book celle-ci est neutralisé ( chrono stoppé ) pour éviter les accidents , les organisateurs la considérant comme périlleuse . Étonnant car même étant peu doué pour cet exercice , a aucuns moments je ne me sentirai en danger , pas d’asphalte irrégulier , pas de gravillons , des commissaires brandissant des drapeaux jaunes à chaque virage dangereux , non vraiment dommage de « déduire » sur le chrono final le temps imparti pour descendre , c’eu relevé la moyenne ( bien basse .. ) kilométrique générale en la tirant vers le haut !!!
Prochain col ou plutôt prochaine difficulté car en fait de col les lacets de montvernier sont plutôt une cote qui en a peine 4 kms et 18 ! lacets s’ élève de 400 mètres , c’est une belle trouvaille des organisateurs du tour de France et les images vues d’hélicoptère promette d’ être saisissantes !
La bascule s’opère et voici venir le « remplaçant » du TELEGRAPHE : le col du MOLLARD …
17 kms a 6,5 % ,des pentes encore accessibles mais à ce moment précis du parcours ce n’est plus tant la pente qui va se charger d’opérer la sélection mais les rayons meurtriers du soleil …On le sait tous , les grands anciens nous sont témoins , en cas d’alerte canicule tout effort est à proscrire au-delà de 32°, hors, la température relevée au pied du MOLLARD dépasse les 37° .
Les points d’eau se font rares et notre salut prendra la forme de généreux riverains , tuyau d’arrosage en main apaisant la soif de centaines de cyclo ! Certaines scènes dépassent la fiction , le bidon tendu ,la main fébrile et le cerveau en ébullition , nous semblons tous quémander une « pitance » qui tarde à venir !
Au sommet du MOLLARD notre pote le chinois , le moteur en surchauffe va « lâcher l’affaire », PIERRE JEAN revenu de l’arrière , tentera bien de l’aider à surmonter sa lassitude en lui passant un bidon rempli de bicarbonate de soude , rien n’ y fait , les intestins « en vrille » FABRICE pris de vomissements s’arrêtera là, conscient que si franchir LA CROIX DE FER eut été possible , le » mur » de l’ ALPE D’ HUEZ aurai été ( en l’état ) un obstacle insurmontable ! L’apprentissage du vélo continue pour notre ami qui aura oublié une règle essentielle lorsqu’on roule sous la chaleur : asperger d’eau toutes les parties du corps par tous les moyens possibles pour faire tomber la température de celui ci et tant pis si ledit bidon contient une boisson de l'effort , l' économie n'en vaut pas las la chandelle !!
Mais l’essentiel est ailleurs , en prenant la douloureuse décision de descendre du vélo , le chinois dans sa grande pondération s’est peut être épargné le pire ! Le lendemain en consultant les classements nous apprendrons que pratiquement 50 % du peloton n’aura pas franchi la ligne d’arrivée ! Du jamais vu !!! Sans compter les petits malins bafouant toutes règles , montant dans les fourgonnettes ( on en a tous vu ! ) pour se faire déposer un peu plus loin , histoire de s’épargner quelques centaines de coup de pédales !
Nous sommes au pied de la CROIX DE FER pour 27 nouveaux kms d’une montée en dents de scie ou des passages descendants succèdent a des portions de 10 ou 11 % de moyenne , pas simple de passer en quelques virages d’un braquet de 50/11 a un autre de 34/27 , la mécanique souffre en même temps que les jambes , et le brutal changement de rythme arrache au groupe des lamentations que couvre le bruit des chaines auquel les dérailleurs imposent des contorsions inexistantes dans les manuels ! Qui parmi nous aura pris le temps de tourner son regard sur la droite et d’apprécier le fascinant paysage au sommet de ce géant des alpes ?
A 2067 mètres d’altitude un zeste de fraîcheur va nous fournir un regain d’énergie et notre moral semble évoluer dans les mêmes sphères … Quelle raison à cela ? C’est assez simple , la feuille de route indique qu’ il ne reste plus qu’ un seul col et que le dénivelé déjà avalé est proche des 4000 mètres ! Un rapide calcul pour comprendre que l’avenir immédiat s’annonce sous les meilleurs auspices , une ultime montée sèche pour épingler a notre palmarès cette MARMOTTE qui nous tend les bras , l’odyssée tend à prendre fin lorsque nous arrivons à bourg d’Oisans départ historique de l’ALPE D’HUEZ ...
Certains d’entre nous sont assez familiers de ce col pour l’avoir escaladé plusieurs fois : 14 kms a 8,1% , une rampe de départ mimant une « érection » d’asphalte , 21 virages surmontés de panneaux à la gloire d’anciens vainqueurs et une sensation vivace d’évoluer dans un lieu « sacré » …Pourtant aujourd' hui la montée prendra pour tous ( et toutes ) les traits d’un « toaster » géant grillant sans pitiés nos pauvres corps consumés par les émanations d’un goudron en fusion et une soif impossible a étancher !!
Une incroyable défaillance collective faisant ressembler l’alpe a une espèce de WOODSTOCK à vélo jonchés de cyclistes a l’arrêt hébétés , titubants , certains ( beaucoup ) prostrés sur leur belle machines dont la légèreté n'est plus d'aucun aide , se posant la question de l’ abandon ou pas , d’autres la tête basse ont décidé de monter à pied ,incapable de remonter sur la selle se posant la question cruciale et vitale : pourrais-je prétendre avoir terminé la MARMOTTE si je finis à pied ????
Le dard géant du soleil semble avoir passé un accord tacite avec son ennemi le vent obtenant l"exclusivité d'un travail de sape ( on relèvera une température de 46 ° en plein après-midi ! ) et obtiendra l’ abdication d’un autre de nos amis : FAB « le cyclope » , aérien 15 jours avant sur l’ ARDECHOISE et contraint ici d’abandonner malgré les suppliques de son ami et alter égo , OLIVE pour prendre sa roue !
Ce dernier ne pouvant s’apitoyer plus longtemps sur le sort de notre pote relance l’allure suivi comme son ombre d’un SERGIO grimaçant lui aussi à la limite de la rupture , rassemblant ses dernières forces piochant dans ses souvenirs d' efforts extrêmes ( transjurassienne à ski par – 20° ) pour ne pas craquer ,habités par notre envie commune de « faire la peau »a ce col maudit !
Un peu plus haut j’ évolue également mentalement et physiquement dans des contrées jusqu’alors inconnue , laminé par le soleil , les maux de tête , des vertiges qui me verront moi aussi mettre pied à terre une première fois pour m’assoir à l’ombre d’un muret et une seconde fois pour passer la tête sous les mini cascades affleurant la roche ou je ne serai pas le seul à me ruer ! Le cardio bloqué a 170/173 pulsations cardiaques a la minute , les mètres défilent a une allure dérisoire , l'aiguille du compteur oscille entre 8 et 9km/h , même la pile au lithium semble vouloir s'éteindre ...à ce moment-là , mon braquet de 34/27 parait insuffisant pour dompter la pente !
Dans son briefing d’après course PIERRE JEAN nous avouera aussi ses doutes d’en finir après avoir vomi de la bile sous les yeux de son ange gardien , sa femme Sylvie qui devant le spectacle de tant de cyclistes désemparés se muera en voiture balai pour ramener au village départ les plus atteints physiquement !
Devant tant de souffrances je m’en veux un peu d’avoir accepté l’invitation d’OLIVE et d’avoir embarqué dans cette galère des copains dont le kilométrage réduit les vouai a un échec programmé , cela met encore plus en lumière la prestation « héroïque » d’ OLIVE , SERGIO ( 53 ans ! ), PIERRE JEAN ! Mais que dire de la prouesse de FRED TOKOUPA ( son pseudo sur garmin connect , on ne rigole pas .. ) touchant au but juste avant la nuit après plus de 12 heures d’efforts ??? Avec en tout et pour tout 1 grosse semaine d’entrainement ? La preuve que la foi déplace les montagnes …
Une grosse pensée également pour nos deux fab éliminés non pas sur leur valeur intrinsèque mais par des conditions climatiques hors norme , d’ailleurs pas plus tard que le lendemain le chinois accompagné de PATRICK venu en guest-star de LA MURE se rassurait en montant sans coup férir l’alpe se prouvant a lui-même que son abandon de la veille était plus à mettre sur le compte d’une déshydratation que sur sa condition physique …
Quoiqu’il en soit au bout de plus de 8 à 10heures sur la selle , nous étions tous unanimes : plus jamais ça !!! Personne pour surenchérir et fixer d’objectif pour 2016 , nous avons, passer un weekend end jouissif , riche en rapports quasi fraternels ( sexuels pour certains ??? ) , nos souvenirs communs traverserons les années et nous aurons tous beaucoup de plaisir à nous revoir mais cela se fera dans d’autres conditions , sur des cyclos plus courtes , des week ends à la découverte d’autres cols mythiques mais sans le chrono , avec femmes et enfants ( peut-être ) pour leur inoculer un peu de notre venin , cette passion pour le vélo qui ce samedi aura été un rempart contre le découragement , , l’envie de tout plaquer , une passion qui avait le visage de milliers de sourires sous la banderole d’arrivée au moment où notre puce de chronométrage dans un dernier râle vint a sonné pour la dernière fois ! PATRICE avait raison , nous ne sommes pas les « champions du monde du dimanche » mais les nouveaux « champions du monde du …samedi » !!!
A très bientôt !
SUPER MARIO
nos résultats :
classement/dossard chrono classement catégorie nation moyenne sans descente du glandon
1222 / 8483 VARESANO JEAN LOUIS 08:50:04:04 HOMMES 40 - 49 ANS / 444 ITALIE 17.65
2489 / 8481 CHEVASSUS AGNES OLIVIER 10:05:02:25 HOMMES 40 - 49 ANS / 948 FRANCE 15.47
2615 / 8484 GUBLER SERGE 10:12:23:72 HOMMES 50 - 59 ANS / 460 FRANCE 15.28
3773 / 3888 AUDEBERT PIERRE JEAN 11:23:41:32 HOMMES 40 - 49 ANS / 1438 FRANCE 13.69
4511 / 8482 CORCELLE FREDERIC 12:32:55:61 HOMMES 40 - 49 ANS / 1697 FRANCE 12.43
Pour les superbes photos c'est demain !!!
Comme toujours, très bon récits et tu décrits parfaitement ce qui c'est passés
RépondreSupprimerPour la descente du Glandon ,elle est neutralisée et fermées au véhicules depuis le décès d'un concurrent
Tu as raison , on a vécue un trucs assez unique au niveau souffrances et dépassements de soi
Pierre-Jean